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L'aménagement et la surfréquentation touristique

Grotte de Remouchamps
Dans certaines cavités touristiques, l'éclairage artificiel, l'élévation de la température et la respiration humaine permet la prolifération d'une végétation normalement totalement absente du milieu souterrain.

Les aménagements touristiques des grottes peuvent entraîner des dommages irréversibles au milieu souterrain. Citons par exemple les modifications topographiques (percées de galeries nouvelles, lacs artificiels, sorties et entrées nouvelles, aménagements d'escaliers...) qui, réalisées sans une étude préalable d'incidence sur l'écosystème karstique, peuvent conduire une grotte à la mort "biologique" et au dessèchement des concrétions.

Ces modifications sont définitives et altèrent donc la cavité sans qu'il ne soit jamais possible de les supprimer. Outre leur aspect souvent inesthétique, elles provoquent souvent des modifications profondes du climat souterrain. Les échanges chimiques entre différentes parties de la cavité ainsi qu'avec l'extérieur sont ainsi perturbés alors qu'il s'agit d'un équilibre très fragile et propre à chaque grotte.

Au niveau biologique, ces modifications ont pour conséquence la suppression de certains habitats propices aux animaux cavernicoles: disparition des flaques et des zones humides, colmatage des fissures, réduction et tassement des parois et planchers argileux...

Une autre atteinte, trop souvent ignorée, résulte de l'élévation de la température dans les cavités touristiques. Cette élévation, surtout sensible au niveau des plafonds, est à la fois provoquée par la "chaleur animale" des touristes et par le rayonnement calorifique des différentes sources lumineuses de la cavité. Cette élévation de la température entraîne un dessèchement de certains plafonds et un arrêt d'activité de certaines concrétions. Il modifie aussi les conditions de vie des chiroptères accrochés aux voûtes.

Par ailleurs, cette augmentation de la température, cumulée aux effets de l'éclairage et à l'apport de spores et semences transportées par les visiteurs, entraîne aussi l'apparition d'une végétation chlorophylienne dans la grotte, allant de la mousse à la fougère: la Lamp Flora. Celle-ci se fixe aussi bien sur les dépôts meubles que sur la roche en place. Tout le monde se rappelle la "maladie verte" provoquée par des algues et des moisissures qui a entraîné la fermeture de la Grotte de Lascaux. La grotte et les fresques préhistoriques ont dû subir un long traitement et certaines traces du mal sont malheureusement restées irréparables.

En Wallonie, la plupart des grottes touristiques connaissent ce phénomène de "Lamp Flora". La prolifération de la flore, qui tire son énergie de la lumière, envahit les parois et concrétions de la grotte et les détruit petit à petit par dégradation biochimique. Les particules organiques déposées sur les parois calcitiques se dégradent dans les gouttes d'eau de condensation et provoquent, par l'activité bactérienne réductrice, une corrosion des concrétions. Cette corrosion biochimique ponctuelle peut s'étendre par répétition et aboutir à la désagrégation totale des concrétions, devenues friables et poreuses. Les cavités touristiques, sans être le réceptacle d'eaux usées ou d'immondices, sont menacées par cette lèpre. Les déchets organiques, même ténus, apportés par les touristes peuvent suffire dans certains conditions microclimatiques à déclencher ces processus destructeurs, favorisés souvent par la présence de la végétation indésirable (mousses, fougères, algues...) se développant autour des sources d'éclairage.

Mais à cela viennent s'ajouter d'autres perturbations. A partir de la surface, une variation du régime des eaux de ruissellement (superficielle et d'infiltration) due à des drainages ou à des changements brusques de flore en surface (abattage à blanc des arbres, créations de prairies, etc...) et l'usage immodéré d'engrais et de pesticides sur ces mêmes terrains agissent sur l'équilibre chimique du concrétionnement et sur les espèces cavernicoles.

D'une manière générale, le tourisme de masse dans les grottes engendre des modifications de leur écosystème. Les apports en CO2 et vapeur d'eau (transpiration et respiration) et l'élévation de la température sont autant d'éléments perturbateurs d'un milieu physique particulièrement stable. De plus, le bruit, les déchets, les graffitis sur les parois, la destruction de concrétions perturbent également l'écosystème souterrain et souvent abîment irrémédiablement le site.

Pour toutes ces raisons, il paraît indispensable de gérer de manière scientifique (étude d'incidence préalable à tout aménagement et suivi écologique) les grottes touristiques, patrimoine naturel régional, afin de les maintenir durablement dans un état le plus proche possible de leur état originel.

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